Cartes postales anciennes
En 1913, les éditeurs nantais Artaud et Nozais publient une série de cartes postales naïves sous le titre La Bretagne. Le Breton y est représentée d’une façon grossière : on y voit la bêtise, la pauvreté, la naïveté, l’ivrognerie, la lubricité, la luxure et l’obscénité d'un peuple analphabète et arriéré, les cochons sont assimilés aux enfants, les adultes rougeauds et déguisés vivent au milieu de leurs superstitions de pierres druidiques, de feux follets et de loups garous.
​
Le journal local Ouest-Éclair, dans un article intitulé respect à la Bretagne, s'insurge contre ces publications d’un goût très douteux mais, malgré cela, les cartes restent en vente. Pendant la guerre de 1914, la critique s’éteint, mais pas la publication. Alors, dès 1919, relayés par les intellectuels, de nouveaux articles de l’Ouest-Eclair paraissent sous les titres Cachez ça... un quarteron de Bas-Bretons et de Basses-Bretonnes gambadant autour d’un pichet de cidre, bras-dessus, bras-dessous avec un goret… des scènes grotesques ou libidineuses, des beuveries, des danses désordonnées, des cochons de toutes tailles, symboles vivants, semblerait-il, de la Bretagne !
Rien n’y fait. Les éditions Artaud et Nozais continuent leurs ventes de plus belle, la série plait d'ailleurs tellement au grand public qu’elle atteint plus de 80 cartes différentes. L’Ouest-Eclair doit abandonner la partie.
​
Avec du recul, il y a un monde entre une Bretagne de 1900, honteuse de sa ruralité et cherchant à trouver une reconnaissance dans la société moderne française et la capacité d'autodérision du Breton d'aujourd'hui qui va jusqu'à en faire, comme un clin d'oeil, un élément de son patrimoine. Artaud et Nozais, eux-mêmes Bretons n'ont fait que reproduire, sur leurs chromos naïfs, les poncifs de nombreux écrivains des siècles passés, Rabelais, Mme de Sévigné ou La Fontaine, Balzac, Flaubert et Victor Hugo qui ont décrit la Bretagne comme un bout du monde que la civilisation n’arrivait pas à atteindre.